SOFT METALS – Soft Metals

Chronique

La chanteuse Patricia Hall et le claviériste Ian Hicks composent donc le premier groupe de synth-pop signé chez Captured Tracks. Elle, capricieuse et sentimentale, fait la moue et on ne sait jamais si elle sourit ou si elle s’ennuie, tandis que lui, patient mais spontané, appuie sur les touches comme un automate en quête de liberté. « Soft Metals » est alors leur petit paradis, quelque-chose d’à la fois imaginaire et de très concret, un rêve devenu réalité ou bien une réalité embellie (« Voices »).

L’album est sorti le jour de mes 30 ans et, au travers de leur utilisation des claviers, j’y retrouve la nostalgie qui m’habite parfois un peu en ce moment. Ce n’est pas une nostalgie qui s’apitoie sur elle-même et qui implore le ciel de revivre dans le passé, non c’est une nostalgie qui veut faire ressurgir celui-ci dans le présent, qui veut mélanger les époques pour être en phase avec celui qu’on a été et celui que l’on sera (« The Cold World Melts »). Et pour cela, il ne faut rien oublier, ni la new-wave, ni la dream pop, ni la house et encore moins l’electro-pop.

Si l’amour et la complicité des couples musiciens transpirent habituellement toujours au sein de leurs chansons (The Evens, Githead…), Soft Metals n’est lui jamais guidé par la relation charnelle entre ses deux géniteurs : ici c’est la musique qui cimente le couple, et non l’inverse. La différence est subtile mais à plusieurs moments on a l’impression que le couple n’existe qu’au travers des chansons, qu’elles sont sa raison d’être et que sans elles, l’amour partirait en fumée. C’est pour cela qu’il faut sans cesse faire évoluer les structures (« Pains »), redonner du piment, assurer aux titres un développement ; il faut nouer les quatre mains autour de titres comme « Always » et serrer bien fort.

Les introductions un peu bavardes ne sont parfois qu’un chemin vers les affections qui avaient justement été mises à l’écart ; le groupe a alors parfois du mal à canaliser son côté italo-disco et son envie de déployer sur la piste de danse d’incompatibles voix éthérées (« Eyes Closed »). Le positionnement entre sensation de flottements et déhanchements sensuels donne d’ailleurs toujours plusieurs niveaux de lectures aux titres sans que l’on sache s’il s’agit d’une qualité ou d’un défaut. Effectivement plusieurs lignes mélodiques se cachent toujours dans les morceaux de Soft Metals, et souvent on en suit une tout en se défiant de l’autre. C’est comme si blottis dans un sommeil cotonneux nous étions soudainement réveillés par l’alarme d’un téléphone Bontempi, ou qu’au contraire entrainés sur la piste de danse, une drogue involontairement ingurgitée nous plongeait dans un état comateux que ne percerait jamais les beats les plus piquants.

C’est alors lorsqu’ils remontent aux origines que Patricia Hall et Ian Hicks harmonisent au mieux leurs envies : l’amour n’y est pas consommé, les bouches qui n’ont jamais été si proches sont encore séparées par l’infini des possibles, tout reste en suspend mais le goût du plaisir coupable, ou du moins trop rapidement consommé, irrigue déjà les lèvres ; et il ressort de « In Throes » une délicieuse synth-pop qui trace une ligne entre le krautrock kraftwerkiens et les îles de l’Italie du Sud.

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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