Picastro – Become secret

Des souvenirs vaporeux, c’est bien ce dont il s’agit avec Picastro. Des souvenirs, la sensation d’avoir écouté des milliers de fois « Metal’s Care », la sensation de s’en être imprégné à jamais et la tristesse de constater que tout cela est indéniablement bloqué dans une partie du cerveau inaccessible sans l’aide d’un élément extérieur. Heureusement dès « Twilight Parting » de « Become Secret », tout revient à la surface : les éclairs mélodiques qui ne se répètent jamais, l’aura tragique du chant de Liz Hysen, la vague d’un slow-core infini, le gouffre d’un sad-core inconsolable et la prestation de Owen Pallett.

Au premier abord, tout semble ici difficile d’accès et noircit par le masque du chagrin. Liz Hysen préfère se faire discrète et laisse un piano désaccordé parler pour elle (« A dune of doom »). Elle semble apeurée, poussée dans ses derniers retranchements, à peine capable de se montrer. Elle use de complaintes qui en disent long sur son état d’esprit (« Pig & Sucker »). Puis Nick Storring et Brandon Valdivia la prenne sous leurs ailes, l’englobe et la rassure en jouant du Sonic Youth acoustique au ralenti (« Split Head »). La tension est palpable au point qu’on pense à chaque instant voir apparaître un mur de guitare.

L’ambiance mute. Ce qui était opaque devient évident. Malgré ses premières écoutes éprouvante « Become Secret » est un disque de l’immédiateté, un disque qui va à l’essentiel. Les chansons sont courtes sans fioritures ; les neufs titres se répondent à eux même comme neufs enfants d’une même famille. Rien n’est inutile ou superflu. Prières de l’au-delà et de notre monde s’opposent au sein de « Neva » et de l’interlude « Suttee », pour finalement transformer l’opus en un chant d’église divin aux instruments desharmonisés (« A Neck in The Desert »).

Avec un sens hors-pair de la concision et une maîtrise parfaite des codes de son univers, Picastro s’offre une auto-intropection abyssale. A aucun moment, le groupe n’invite l’auditeur à se joindre à lui et ce sera en votre âme et consience qu’il faudra vous décider à faire le grand saut.

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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