Départ sous la pluie pour ce dernier jour de festival, un samedi. Différentes populations ont sué sur des sons expérimentaux comme des mélodies connues. La troisième saison de Pitchfork à Paris a eut le mérite de proposer une ouverture dont ce dernier jour est le plus représentatif. D’Empress of pour son premier concert en France à Hot Chip, en amour avec Paris, en passant par Omar Souleyman, retour sur le dernier tiers temps du festival.
>> Galerie photo complète ICI <<
Photo: Pegase par Sarah Bastin
C’est devant des rangs assez dispersés qu’EMPRESS OF et PEGASE ont ouvert les festivités avec deux sets pop. Venue de Brooklyn, Lorely Rodriguez construit des rêveries sucrées twistées à l’électro. Son set monte en puissance avec des nouvelles expérimentations. Dans sa composition des morceaux, je pense à Nite JeweL, Grimes, Lana del Rey et D E N A à la fois. La musicienne de 23 ans a rassemblé le public qui ne cessera de s’épaissir pendant le set de Pegase. Le quintette Français mené par Raphaël d’Hervez (moitié de Minitel Rose et DA du label FVTVR Record) sert une pop qui s’appuie sur une douce transe. Synthés répondent à une voix posée ici et là, qui donne une nouvelle pulsation à la chanson (« Without reasons »). Premières vrilles de la journée.
Nous passons des étoiles à l’orage MAJICAL CLOUDZ de Devon Welsch. Habité et dans son monde, le montréalais chante la mort et la souffrance avec beauté. Sur le terrible Childhood’s End, nous pouvons décider de nous perdre dans les paroles ou dans la voix grave du chanteur. Pour moi, le choix est fait : je ne croiserai jamais le regard d’un musicien parti loin mais je suis agitée comme un soir de pleine lune. Dans les rangs, le concert a été apprécié et on se demande si on serait capable d’écouter l’album Impersonator à la maison.
Photo: Sky Ferreira par Sarah Bastin
Les nuages passent et le ciel amené par SKY FERREIRA paraît lessivé de tout. L’américaine de 21 ans pose nue pour Gaspard Noé sur la pochette de son album, fait la une des magazines et on l’a compare à Lana Del Rey x Madonna. Cachée sous sa perruque et des lunettes de soleil, l’illusion ne dure pas. Le produit est formaté (« Not the one ») et elle s’accroche à son micro. A la demande du public, la perruque tombe et la jeune fille reste emmitouflée dans son perfecto trop grand. Elle quitte la scène après son single « Everything is Embarrassing » qui, bien qu’énième revival dance 80s, a le mérite d’être efficace et d’intéresser un peu Sky Ferreira dans son interprétation.
Photo: Youth Lagoon par Sarah Bastin
Juste un mauvais rêve, je garde en tête Pégase pour arriver à YOUTH LAGOON venu défendre son deuxième album Wondrous Bughouse. Perdu dans des ambiances atmosphériques, Trevor Powers raconte des histoires derrière son Fender Rhodes, s’échappant quelques fois pour laisser son corps s’exprimer. Planante et minimaliste, pop mais aussi psyché, le groupe est à genou pour Paris qui frissonne. Il aura fallu attendre le troisième jour pour voir Pitchfork uni devant un groupe, porté par la magie de l’instant. Les mélodies entêtantes et l’incantation électro se poursuivent avec BATHS pour lequel je décroche complètement puis OMAR SOULEYMAN.
Comme Deafheaven la veille, Omar Souleyman est à la croisée du cliché de sa musique et assez différent pour être adopté au festival. Une nouvelle déception pour moi aujourd’hui. Entre clappements de main et synthés fous, le syrien devient vite monotone et pourtant, tout le monde danse. Avec une moyenne d’un groupe sur deux apprécié, j’attends YO LA TENGO. Le trio américain est de retour après son concert en mars au Bataclan et une tournée record stores sur leurs terres. En début d’année, avec la sortie de Fade, Yo La Tengo se produisait en version acoustique lors de ses premières parties puis dans un set électronique.
Au milieu de leurs arbres, Ira Kaplan n’attend pas pour faire dissoner sa guitare avec celle de Georgia Hubley. C’est le début d’une leçon de rock et de live. « Well you better », jouée en acoustique, introduit le nouvel opus. Avec James McNew à la basse, le groupe change d’instruments et de de voix lead. C’est un manège, une ballade et une tornade d’un groupe majeur. là où Junip avait été beau et ennuyeux la veille, Yo La Tengo s’impose dans tous les domaines comme le meilleur live. Nous passons de la générosité à un PANDA BEAR échappé d’Animal Collective. Muet, intellectuel et expérimental, le musicien maintenant basé à Lisbonne offre un set froid qui ne montera jamais en puissance, jusqu’à même trouver la panne.
Photo: Hot Chip par Sarah Bastin
La voie est toute tracée pour mener à la dernière partie de soirée qui se transformera en clubbing géant jusqu’à 5h passé. A minuit, comme les autre jours, Pitchfork change d’état d’esprit. « Don’t deny your heart » chante HOT CHIP puis « Over and Over » mais tout le monde a tout laissé vriller. Colorés, complices sur scènes et en communion avec Paris pour la troisième fois en un an et demi, les anglais sont une machine à tubes. Je les quitte sur leur reprise de « Pale Blues Eyes » où, accompagnés par Georgia Hubley et Ira Kaplan, nous pouvons toucher le nuage de l’émotion. Je garde le souvenir pour moi et le protège en sortant.
Photo: Foule par Sarah Bastin