Après une semaine complète de live reports sur le festival Soirs d’Eté, nous avons eu la drôle d’idée de redemander à notre collaborateur Rod de venir sur Paris pour couvrir (à sa manière!) le festival FNAC LIVE. Ricard S.A Live Music est partenaire de l’événement (nous y présentons les Two Bunnies In Love le 18/07) et la programmation, bien que gratuite, digne des plus grands festivals ! Compte-rendu de la première soirée de concerts:
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En 1 semaine, Paris la trempée est devenue Paris le volcan. Qu’on se le dise, Fnac Live se déroulera sous une canicule assez tonitruante. Oh oui je sais, jamais content le mec. Quand il pleut il râle, quand il fait soleil il râle. Je suis râle-man, le plus grand de tous les râleurs.
Rappelons vite fait le concept de Fnac Live : une immense scène Place de l’Hôtel de Ville, des concerts gratuits. Le schéma est toujours identique : on commence par des découvertes puis l’on finit la soirée en beauté avec des stars. Et hier, en réunissant en guise d’ouverture de festival l’infernal tandem Julien Doré / M, on a eu droit à une place TOTALEMENT surblindée. I mean, c’était plus que complet. C’était quasi inhumain. A vue de nez, 50 000 personnes ont assisté au show monstrueux de messir Doré & Chedid.
Il est 17h30, il fait plus de 30 degrés. Au premier rang, des fous qui ont attendu toute la journée, histoire d’être bien placés pour Julien et Matthieu. Dans la fosse, des dizaines de photographes armés de leur bazooka pour tenter de figer les mimiques délicieuses de Nach. Dans la famille Chedid, musicalement, c’est ma préférée. Et j’t’explique pourquoi. D’une part, sa voix est monstrueusement puissante, et empreinte de subtilités qui font que son interprétation certes théâtrale transporte, envoûte, enivre. D’autre part, ses suites mélodiques sont ultra travaillées. Elle a certes une tendance au darko mélancolico, un peu à la Elfman, mais son univers me parle. Enfin, ses textes. Il semblerait que l’atavisme Chedidien n’ait pas fait exception, elle maîtrise la langue de Molière à la perfection. Bon OK chuis groupie. Et j’fais c’que je veux. Parce qu’en plus, je dis la vérité. Pas MA vérité. Mais LA vérité. Do you mean the difference ?
En étant redevenu un plouc de province (oui c’est comme ça que tu nous vois, je le sais, de ta fière Capitale qui sent l’urine :p), j’ai un peu décroché niveau curiosité musicale (ma nouvelle passion étant, si tu te rappelles bien, de collectionner des jeux Megadrive et de jardiner). On pourra reprocher tout ce qu’on veut à Paris, mais sur ce plan là, la ville a 150 ans d’avance sur le reste du pays. Heureusement il existe des supports attractifs qui te font aimer certains trucs. Et c’est par le biais de la Blogothèque que j’ai découvert Arthur Beatrice. Tout est présent pour conquérir le public qui lutte tant bien que mal contre les assauts de Râ : une superbe voix (euphémisme), un déhanché qui ne peut laisser indifférent le cerveau reptilien, des compos bien foutues et parfois surprenantes. Certes des problèmes techniques sont venus s’immiscer durant le court set (comment ça le matériel n’aime pas la chaleur ? chochotte), mais finalement anecdotiques comparé à la performance médusante du quator anglais.
Elle s’appelle Mo, ou MØ, si on prononce le O barré de son petit nom à deux lettres qui est en fait l’acronyme de Karen Marie EUrested, son vrai nom. Comme son o diacrité l’indique, elle nous vient des pays nordiques et plus particulièrement de Odense au Danemark … zut, je suis en train de repomper la chronique du Transistor qui m’avait fait découvrir cette artiste. Jusqu’à maintenant, je savais qu’elle avait une voix extraordinaire, des chansons à électrocuter le corps calleux, et une bouille de nana timide banale, qui se fond dans la foule. Et il y a eu ce live. Titanesque. Surréaliste. Démentiel. Comme habitée par un esprit démoniaque, manipulée par des forces occultes qui échappent à la compréhension du monde cartésien, Mø subjugue par sa présence scénique fascino-effrayante, avec des mouvements féroces et explosifs, n’ayant rien à envier aux déplacements frénétiques de Sadako (The Ring). Au delà de cette performance physique qui met tout le monde OK, sa voix. Mais putain SA VOIX. En live, on est de l’ordre de la boucherie. D’une précision d’orfèvre absolue, sans renier sur la puissance, elle met KO. Il est impossible de ne pas aimer un concert de Mø. Sauf si tu écoutes habituellement l’intégrale de Michel Sardou. C’est à peu près la seule exception possible acceptable. Mø = grosse surprise ce premier jour. ENCORE !!!
Changement de standing. La partie découverte a fait son temps, place aux artistes bien installés sur le territoire. Comme à son habitude, le cabotin JULIEN DORÉ, de par son aura, son sourire ravageur et sa générosité scénique a mis environ 1 seconde pour se voir acclamé. A ce moment précis, la place de l’Hôtel de Ville est ultra bondée. Si tu es au milieu de ce magma humain, et que par exemple, tu as envie de partir, de manger, de boire … tu oublies. Tu ne pourras plus sortir. N’ayant droit qu’à une heure – ce qui pour un homme qui aime la scène, peut sembler frustrant – le trublion de la scène française et ses compères vont envoyer du tube sur tube pour que la tension soit à son comble. Les 3 albums sont bien représentés, les chansons du dernier opus en date, (Løve – octobre 2013) se marient à la perfection avec les Kiss me Forever ou Les Limites. On aurait aimé davantage, réécouter Vitriol ou First Lady, mais le succès du concert est au rendez-vous. Les fans exultent, les bras sont levés, ça hurle des « julien t’es beau » dans tous les sens. Mention spéciale au final du concert, où Julien quitte la scène pour laisser ses excellents musiciens clôturer le spectacle, qui partent dès lors dans un trip post rock apocalyptique qui n’est pas sans rappeler, harmoniquement parlant, l’incroyable titre fort de la BO de 28 jours plus tard de John Murphy. Et qui est finalement la synthèse de Julien Doré : une sorte d’oxymore permanent, impossible à contrôler, impossible à cataloguer, partant en vrille là où beaucoup calmeraient le jeu, doté réellement d’une aura artistique rare.
Alors je ne sais pas si tu t’imagines dans quel état le public est à ce moment précis : bien plus chaud bouillant que l’air ambiant. On est clairement en train de visiter les enfers de Dante. Et il est désormais impossible de rejoindre les points d’eau salvateurs installés par la Ville pour tenter une réhydratation express. Tu es venu sur cette place, tu as voulu ces concerts, il va falloir assumer, tenir jusqu’au bout. D’autant plus que -M- ce n’est pas le genre de mec capable de respecter des consignes horaire précises. Le mec, à l’instar d’un Prince, peut jouer plusieurs heures sans se lasser. Tant que le public répond à toutes ses sollicitations, il peut jouer à l’infini. C’est sa drogue, il est né pour être sur scène, et il va devoir mettre le paquet, l’impression laissée par Julien est encore dans les lobes occipitaux. Et bien dis toi que la folle énergie déployée lors du précédent concert ressemblait à une sieste d’enfants en maternelle. Je te jure, les gens sont devenus fous. Genre Walking Dead, mais avec les fonctions motrices intacts. Du coup, je crois qu’il fallait être présent pour jauger à sa juste valeur l’euphorie ambiante. Dans une société qui va finalement assez mal, proposer ce genre d’artistes en plein air pour 0 euro démontre que plus que jamais, la culture est un lien de cohésion fort entre les gens. Et ressentir une telle communion fout les frissons. M le Magicien, M Le Magnifique, M le Majestueux vole, saute, tire sa petite voix fluette dans ses limites, plonge dans le public, quitte à se faire déchirer en morceaux telle une scène finale du Parfum de Suskind. M aime son public et lui rend. Le concert se rallonge, au départ timidement, puis devant la frénésie emparant la Place de l’Hôtel de Ville, sans retenue. Impossible de parler des moments forts, puisqu’un concert de M n’est qu’une suite de ces dits moments. Le concert orgasmique finit par s’achever aux alentours de 23h10, et la myriade de curieux / fans venus, restés jusqu’à la dernière note émanant d’une guitare ou d’une batterie, repartent avec la sensation d’avoir vécu un truc fédérateur exceptionnel. Une vraie bonne grosse claque dans ta tronche, en gros. (oui pourquoi écrire un pamphlet alors que cette phrase aurait pu se suffire à elle-même ?)
On repart de plus belle demain avec Gaëtan Roussel, Breton, La femme, mais surtout nos chouchoux de notre prix de cette année, Two Bunnies In Love, qui ouvriront le bal.