Le festival Marsatac, incontournable du paysage musical marseillais, était de retour ces 23 et 24 septembre. Alors si comme nous vous vouliez vous balader dans un décor berlinois et croiser des légendes du rap US après un après-midi soleil et calanques, vous savez où il fallait être le week-end dernier !
Après s’être déplacé à travers Marseille au fil de ses éditions, Marsatac est désormais implanté depuis 3 ans dans la mythique Friche Belle de Mai. Anciennes manufactures de tabac réinvesties par des artistes et des associations culturelles, la Friche s’impose comme un ovni architectural avec ses hangars réaménagés, son toit-terrasse, ses graffitis, sa salle de concert en mode cathédrale industrielle, son skatepark, son plateau radio en plein air (pour l’occasion) et même sa piste d’athlétisme !
Arrivée en trombe sur le site de Marsatac pour la Team RLM après quelques manœuvres sportives en camion et en avant pour la découverte du labyrinthe de béton dans lequel les festivaliers vont slalomer pendant deux nuits. Le soir tombe sur la Friche bouillonnante et deux projections gigantesques accueillent les festivaliers, des chiens et des loups se promènent en vidéo sur les murs, l’excitation nocturne monte petit à petit.
JOUR 1
C’est parti pour une première soirée #retourauxsources pour un festival né sous le signe du hip-hop (l’édition fondatrice de 1999 réunissait les légendaires 3ème Œil, Fonky Family, Shurik’n, Psy4 de la Rime…). Entre clins d’œil nostalgiques et nouvelles sensations musicales, la programmation 2016 orientée hip-hop de Marsatac s’annonce de très bonne facture.
Les montpelliérains de Perfect Hand Crew lancent les hostilités dans le Cabaret Aléatoire. Grime puissant, trap, gros charisme scénique et maillot de l’OM vintage de service, les trois compères nous mettent rapidement dans le bain. Accompagnée par la pépinière artistique de Paloma, la SMAC de Nîmes, venue soutenir ses ouailles au concert, cette bande de potes nous rappelle d’emblée que parfois : le studio c’est bien, mais le live c’est mieux.
Pas le temps pour une pause, on passe dans un couloir sombre et à travers de drôles de rayons rouges futuristes pour remonter à la Cartonnerie, entrepôt géant réaménagé en salle de concert. Odezenne vient d’y démarrer son show avec quelques problèmes techniques mais le groupe a de l’humour (pas étonnant pour des gars qui ont choisi leur nom de groupe en clin d’œil à la proviseure qui les terrorisait au collège) et s’en inspire avec un début de chanson improvisé sur le micro défectueux. L’éclectisme est de rigueur entre rap atypique, électro, guitare et distorsion qui débarquent sur certains morceaux, bonnet rouge et mouvements de corps frénétiques. Avec Odezenne, il y a toujours un petit côté ovniesque.
Au beau milieu de l’escalier de métal qui fait le lien entre les scènes, Boby notre photographe est d’humeur taquine et fait un pied de nez aux loups et aux chiens de Marsatac en prenant un chat perdu en photo. Dans le Cabaret, le phénomène KillASon met l’ambiance avec son imposant manteau en fourrure, ses indispensables lunettes de soleil et une présence scénique incroyable. Amas de sons électroniques, flow à la André 3000 avec un petit côté Tyler The Creator, on en oublierait presque que KillASon est bien un frenchie né à Paris. Il habite seul la scène avec son micro et son ordinateur, une gestuelle de danseur et beaucoup de talent, à suivre donc !
On bascule sur la Cartonnerie avec le concert de Tumi et du régional de l’étape Chinese Man, le fameux collectif originaire d’Aix-en-Provence et basé à Marseille sait comment enflammer l’immense entrepôt avec ses tubes, auprès d’un public qui n’attendait que ça pour bouger en mode « Get up and get down ».
En parlant de régional, c’est reparti pour un tour au Cabaret avec DJ Djel aka Diamond Cutter, DJ de la mythique Fonky Family qui avec ses acolytes nous livre un live interactif et rythmé intégrant stand up, guitare, basse et batterie. Djel avait prévu de ne pas faire les choses à moitié et là c’est l’ouragan avec l’arrivée surprise de Don Choa et Sat, les MC’s de la FF que l’on n’avait plus vus sur scène ensemble « depuis 100 ans » (oui, on était bien à Marseille) !
Un imposant fourgon noir passe à travers le site du festival, les têtes se retournent, c’est au tour de Raekwoon et Ghostface Killah à la Cartonnerie, rien que ça. Des frissons quand les voix de ces deux messieurs (avec un grand M) du rap US se posent sur le beat. Il faut dire que Ghostface Killah et Raekwon sont issus du Wu Tang Clan (oui, Cream, Enter The Wu, etc, etc). Comme au temps du featuring IAM/Wu Tang sur La Saga, il s’opère dans la Cartonnerie comme une sorte de magie dans la connexion entre Marseille et New York. Et c’est beau.
Enième traversée souterraine, direction le Cabaret pour le concert de Jazzy Bazz puisqu’on attendait avec impatience la rencontre entre le rappeur du 19ème ultra fan du PSG et le public marseillais. Mission réussie pour Jazzy B qui fait l’étalage d’une grosse technique enchainant les rimes multi-syllabiques dans son style caractéristique influence old-school. Au final, une grosse ambiance vient saluer la performance de ce membre du collectif l’Entourage.
Dans la Cartonnerie la soirée atteint un moment d’apogée avec le show démentiel de Flatbush Zombies. Productions hypnotiques, beats lourds, tempête scénique, projections vidéos roses futuristes et univers halluciné, la meute du crew new-yorkais a retourné l’immense entrepôt marseillais.
Les festivaliers redescendent enfin vers le club positionné au fond d’un hangar pour terminer la soirée avec DJ Fly et DJ Netik et leur set de clôture que l’on situe entre hip-hop, trap, dub-step, et électro avec pas mal de scratchs et de performance technique pour le duo. Le lendemain s’annonce plus électro et nous on n’est même pas fatigués !
JOUR 2
On vous l’a dit, à Marsatac c’est soleil pétanque l’après-midi et Berlin le soir. En plus, le programme de la deuxième soirée axée électro s’annonce copieux.
La nuit commence tranquillement dans le Cabaret avec le projet Ghost of Christmas mené par le marseillais Martin Mey et signé sur le label Sound Like Yeah du papa de la techno Laurent Garnier. On enchaine rapidement sur le concert de Thylacine à la Cartonnerie, certainement l’un des meilleurs du cru Marsatac 2016. Thylacine, c’est le projet solo du beatmaker angevin William Rezé combinant musique électronique et organique, invitation au voyage et scénographie impressionnante avec des jeux de lumières en plusieurs dimensions. Le gaillard passe des machines au saxophone puis aux percussions, entre sonorités d’Afrique, harmonies transsibériennes et mélodies dansantes. Thylacine est un explorateur : l’humain et la machine ne cessent de se répondre tout au long du show. Derrière le beatmaker multi-instrumentiste, les cascades de lumières s’enchainent en projections mouvantes et hallucinées dans lesquelles on croit deviner un papillon battre les ailes (ou pas). Le rythme s’intensifie au fil du concert dans une ambiance se rapprochant de plus en plus de celle d’un club techno. La musique de Thylacine est moderne et atmosphérique, il sait nous surprendre et surtout, nous raconter une histoire.
La team RLM est de retour dans le Cabaret pour assister à la prestation de sieur Flavien Berger, déjà vu récemment à Garorock et Midi Festival. One showman chevelu, blagueur glacial et pince sans rire charismatique, Flavien Berger est surtout un grand talent de la scène électro française actuelle capable de passer des machines synthétiques au parler/chanter avant de laisser partir sa voix dans des tonalités aigües. Bricoleur doué qui a su mélanger tout un tas d’influences et de sonorités plus ou moins kitsch pour parvenir un résultat au final très 2016, il nous fait carrément penser à Etienne Daho dans « Océan Rouge », au loufoque interactif de Katerine, alors que sa « Fête Noire » peut nous rappeler les claviers et les chants de La Femme. Il fait nuit, Flavien Berger nous parle du « soleil » dans un hangar, à coups de nappes et de pop contemplatives et les festivaliers apprécient. Un peu plus loin dans le club, on retrouve les locales aixoises de Andromakers, projet soutenu par la maison d’artiste marseillaise Transfuges. Le duo féminin sait qu’il a une belle carte à jouer à Marsatac et nous offre un joli concert, entre pop électrique et acidulée, scénographie soigneusement réfléchie et une vraie intensité qui fait son effet sur le dancefloor.
Dans le Cabaret, c’est Simon Henner de Nasser qui a pris le relai avec son projet French 79, l’un de nos coups de cœurs de la soirée. On le connaissait producteur hyperactif, bête de scène avec Nasser et aussi membre du projet Husbands (avec Kid Francescoli et Oh Tiger Mountain). Le voilà délivrant une électro disco pop en solo et à domicile pour un public en fête et forcément « fier d’être marseillais » quand c’est French 79 qui le représente. Notre homme machine aligne les beats progressifs, fait exploser la scène façon French Touch 2016 puis fait finement redescendre la pression. Le voilà qui sort ses baguettes dans un show aussi organique (et en plus il les tient mieux que Thylacine, nous dit le batteur du groupe de garage psyché local Quetzal Snakes, juste à côté de nous) comme pour nous rappeler que Simon H. est avant tout musicien. Moiteur électronique, mouvements de corps et difficulté de circulation dans le Cabaret en fusion, définitivement un très bon moment passé avec French 79.
La nuit défile et les festivaliers déambulent dans le labyrinthe de ciment de la Friche, la tension monte parce que l’on sait que les grands messieurs de la techno arrivent. Après MSTRKRFT et leurs beats lourds et dévastateurs (en mode Justice des débuts) avec barbe, tatouages et sueur de service, c’est au tour de Richie Hawtin dans la Cartonnerie. Plus de 20 ans de métier pour cette icône british du milieu, passée un moment par Détroit et maintenant installée à Berlin. Expérimentation lourde et minimale qui fait son effet dans l’immense entrepôt de Marsatac, le show est parait-il inédit en France, et il n’y a pas à dire : Monsieur Hawtin fait le boulot. Plus de place pour les intellos à 2h du matin, il y a esprit de meute (coucou les chiens et les loups) à Marsatac et le spectacle est aussi dans le public. Dans le club, l’allemand Chris Liebing fait bouger les festivaliers (qui ont oublié l’idée de fatigue) à coups de techno violente. Le temps s’accélère, dernier tour de piste dans la Cartonnerie avec le baron berlinois Marcel Dettmann, vinyles et gros son de rigueur. Les rayons de soleil percent à travers les hangars taggués de la Friche, c’est déjà le matin et les gens marchent l’esprit ailleurs, les oreilles fatiguées. On ne se rappelle plus qu’on a besoin de repos, alors on est plein d’histoires et d’images qu’on commence déjà à se raconter.