Cette année, la Team a laissé les commandes à Fred de indiemusic.fr pour aller jeter un coup de faux dans la programmation de cette nouvelle édition des Trans. Sans transition, nous avons encore eu le plaisir d’arpenter une sélection singulière et sans faute de goût : INÜIT, Nico & The Red Shoes, Holy Strays, Louise Roam, Her, Code / Superpose / Kid Koala, 3SOMESISTERS, Georgia et Queen Kwong.

Après avoir exploré l’intégralité de la programmation un mois avant le début de la 37e édition des Rencontres Trans Musicales de Rennes, l’heure est venue de mettre notre plan(ning) à exécution et de tester la première étape de notre parcours recommandé ce jeudi 3 décembre. Des révélations de la nouvelle scène indie et électronique française, jusqu’à une frappe rock radicale en toute fin de soirée, cette première étape de notre virée musicale en contrée rennaise, menée et dominée voix et tambours battants par la gent féminine, nous aura fourni son lot d’émotions fortes !

Au Liberté, en l’espace de quelques courtes minutes, l’Étage s’est rempli dans toute sa longueur pour accueillir la formation nantaise INUÏT, emmenée par l’énergique Coline. Disposés en demi-cercle autour d’elle, ses cinq compagnons veillent les uns sur les autres et, surtout, sur la reine d’un show électronique fervent, chevelure au vent. Pour faire monter l’ambiance, c’est Jean-Louis Brossard himself, premier supporter de la formation nantaise, qui viendra saluer les premiers festivaliers du jeudi et glisser quelques mots bienveillants au sujet du groupe nantais. Sur une pop tribale et électronique, aux percussions et synthés très appuyés et grondants, Coline au chant, telle une tigresse sortie de sa cage, porte avec passion l’énergie d’un projet collectif qui livre tout, sans réserve et sans temps mort. Le long d’une piste instrumentale, la formation invoquera alors une progression techno, implacable. Un set foudroyant d’énergie et polyvalent d’ambiances. Très convaincant.

Crédit : Fred Lombard

À l’Étage, les femmes continuent leur prise du pouvoir sur scène ! La preuve avec la Nigériane Nico, boa en plumes autour du cou et micro au poing. Entourée de deux partenaires masculins aux machines et à la basse, la chanteuse, qui aura préféré ce soir les baskets blanches aux boots rouges, va tenter de ramener le public au cœur des 80’s, entre électro et new-wave, souvent avec brio (l’exemplaire « Shame on You » et le final prenant « Get You ») mais avec quelques passages moins marquants pour totalement emporter le public dans sa vague rétro. On retiendra du concert de Nico and the Red Shoes la présence vénéneuse et animale de sa chanteuse, occupant intelligemment et énergiquement la scène, et contrastant avec l’attitude plus figée de ses musiciens, mis en retrait pour mieux servir la nouvelle reine autoproclamée du dancefloor rennais.

Crédit : Fred Lombard

Changement d’atmosphère. Col mao relâché autour du cou, Sébastien Forrester alias Holy Strays, jeune nom de la techno parisienne originaire du Gabon, expose avec lourdeur et fracas ses rythmiques martiales et fatales. Jonglant entre ses machines et ses éléments de batterie installés en arc de cercle autour de lui, le musicien impose ses compositions extrêmes et bourdonnantes. Physique et ténébreux, l’univers de Holy Strays écrase et broie tout sur son passage, laissant peu de place aux émotions légères qui pouvaient encore surgir des deux shows précédents. Un coup de tonnerre dans la brume ; impitoyable et radical, et tout aussi impressionnant en live, à condition d’oser s’y risquer.

Crédit : Fred Lombard

Seule sur scène, Aurélie Mestres prend les commandes de ses machines rêveuses et électroniques pour nous offrir l’un des plus beaux et forts dépaysements de ce début des 37e Rencontres Trans Musicales. Chanteuse androgyne à la voix chaude et fragile, la Parisienne devient Louise Roam le temps d’une prestation solennelle et sincère, portée par des émotions authentiques et acquises. Elle captive, séduit et réconforte un public sous le charme et offre, pendant quarante minutes de justesse, un set électronique exquis et parfaitement dosé entre précision, force et cohérence. Alternant habilement des portions purement instrumentales et d’autres compositions sublimées par sa voix toute en nuances, parfois enrichies de quelques passages joués au violon, Louise Roam nous aura brillamment évadé. Un set magique et magistral.

Crédit : Fred Lombard

Monté par deux anciens membres de la formation indie pop The Popopopops, HER avait à cœur de dévoiler scéniquement ses premières compositions et son remarquable live band au public des Trans Musicales. Dans un Hall 3 plutôt bien rempli, les deux garçons célèbrent avec trois de leurs complices une pop ultra sensuelle aux mélodies instantanées et évidentes. Il suffit d’observer le jeu de séduction qui s’opère entre HER et ses fans de la première heure : regard béat, accolées amoureusement aux barrières, le cœur palpitant et tremblant pour croiser, ne serait-ce qu’un instant, le regard passionné des deux garçons. Entre soul et pop, les crooners de ce jeudi soir jouent les grands orateurs devant un public fervent qui n’hésite pas un seul instant à taper des mains pour accompagner la formation rennaise. Alors que la machine à tubes vient juste d’être lancée, les déjà sur toutes les lèvres « Quite Like » et « Five Minutes » finiront de convaincre du fort potentiel scénique de HER. À (re)voir absolument !

Crédit : Fred Lombard

L’une des créations inédites de ces 37e Rencontres Trans Musicales, la collaboration réunissant le collectif orchestral Code, le Petit (et déjà grand) Prince de l’electronica caennaise Superpoze et le jeune et brillant chanteur, guitariste et producteur parisien Dream Koala, s’est transformée en un moment rare et poétique, à la croisée de l’ambient et de l’electronica, évoluant librement vers une pop polymorphe à la fois orchestrale et tribale aux saveurs r’n’b. Sur des nappes aériennes enveloppées avec soin par Superpoze, parfois également aux percussions, son complice d’un soir, Dream Koala pose un chant lumineux et paisible.C’est sans compter sur Code, orchestre de chambre installé derrière eux pour compléter ce chef-d’œuvre éphémère, à la puissance évocatrice et émotionnelle totale. Un moment d’onirisme absolu dont on espère secrètement la réédition future, tant cette première représentation publique nous a particulièrement envoûtés.

Crédit : Fred Lombard

La poésie orchestrale laisse place à l’extravagance libertaire de 3SOMESISTERS, distillant une science du show unique en son (trans)genre et faisant preuve d’une maîtrise de la scène épatante, pleine de vie et de créativité. Jouant avec un light show et une disposition intelligente et évolutive, les cachant dans la pénombre et les dévoilant les uns après les autres en ouverture du set, le dynamisme qui s’opère sur scène retient l’attention des festivaliers présents. Le point fort du projet reste les irrésistibles polyphonies de Sophie, Florent et Bastien, parfaitement unies ou enchaînées et déchaînées l’une après l’autre, jubilatoires s’unissant avec délice, ivresse et impertinence aux percussions sauvages d’Anthony. Une certitude : l’univers de 3SOMESISTERS est bel et bien raffiné et, comme une robe de grand couturier, tombe toujours parfaitement juste. Complètement décomplexé et follement transcendé, le quatuor parisien est définitivement l’une des plus incroyables révélations de cette 37e édition.

Crédit : Fred Lombard

On écourtera, sans le moindre regret, notre présence devant le show inégal de la jeune rappeuse londonienne Georgia (qui ne restera pas « on my mind »), pour finir la soirée en bonne compagnie : celle de l’époustouflante (et le mot est faible) Queen Kwong, à l’origine d’un show démentiel qui restera très longtemps gravé dans nos mémoires de festivaliers. La showrunneuse américaine à la longue chevelure violette brûle les kilomètres sur scène comme on a rarement vu, et consume les émotions à une vitesse complètement ahurissante. Accompagnée des musiciens émérites de Limp Bizkit et de Marilyn Manson, au jeu noisy/grunge et à la présence scénique remarquables, l’infatigable Carré Calloway va pousser le public rennais dans ses derniers retranchements pour faire surgir la bête qui surgit en chacun de nous. Un énorme show à l’américaine : généreux, écrasant et violemment jouissif, une gigantesque déflagration d’un rock furieux et incendiaire. On comprend d’autant mieux pourquoi Trent Reznor en a fait sa protégée.

Crédit : Fred Lombard