Retour sur la seconde journée de festival aux Francofolies de La Rochelle.
Billet écrit à quatre mains, Swann en bleu, moi en noir.
Le Noiseur aka Simon Campocasso fait partie de ce crew d’artistes qu’on aime ou qu’on déteste instantanément. Pas de demi-mesure. Et jamais d’indifférence. Artiste du chantier des Francos, Le Noiseur a déjà la chance d’avoir trouvé une maison (de disque), un tourneur et a même le bébé de mis en route : l’album arrive début 2015 et pour se mettre quelque sons dans le creux de ton oreille, il y a un E.P sorti depuis le mois de mai. Pour résumer le Noiseur en quelques mots, on dira qu’il ténébreux et charmeur, impétueux et charmant, timide et bagarreur. Un oxymore lui tout seul. Il enfile les paradoxes, chante des titres hyper personnels, se déplace comme un boxeur sur scène, chante les yeux fermés, utilise des mots crus dans ses textes… et fait des vidéos pour sa maman (la maman, chez les Corses, c’est très important). Et sinon, Swann, la musique ça donne quoi ? Ah oui, c’est vrai. Disons que s’il fallait comparer avec un artiste déjà en place, on choisirait, au hasard le Benjamin Biolay des premiers albums. Il y a cette voix caverneuse, la nonchalance, les textes mi parlés, mi chantés, cet air provocateur : « Et sinon, est-ce que vous aimez faire l’amour ? », demandera-t-il entre deux chansons. Silence. Mais on voit le sourire sur le visage des personnes du public. A la fin, un vieux monsieur me dira « ses textes font penser à Houellebecq, vous ne trouvez pas ? »
Dick Annergarn
« Il n’y a pas de vrai chanteur français », lance-t’il, rigolard.
« C’est vrai, Johnny, Brel, tous, regardez bien : Vous n’avez pas de vrai chanteur français » ajoute-t’il, gentiment moqueur.
Dick Annegarn n’est assurément pas un chanteur français. Originaire des Pays-Bas, l’artiste est tellement hors norme qu’on en vient presque à se demander s’il vient de la même planète que nous.
Arrivant tranquillement, à côté de son vélo (hollandais, ça va de soi), il s’installe sur scène en prenant son temps, tranquillement suivi par ses musiciens, accompagnés de leur vélo eux aussi. Chacun se gare près de son poste et le concert peut alors commencer.
Dans un décor composé de roues de vélo -forcément- suspendues au plafond.
Les morceaux s’enchainent et le public frémit, sourit, tangue avec Dick Annergarn.
On retient ce moment d’émotion particulière lorsqu’il entonne « Bruxelles » : Une bonne part du public chante en choeur avec lui, des paroles connues par cœur.
Lorsque Camille le rejoint c’est pour partager un titre tout en délicatesse. Duo sublime auquel on ne pourra reprocher que de n’avoir duré pas assez longtemps.
Sur scène Dick Annergarn pédale, rit, grimace, gémit, chante -aussi jusqu’au final collectif sur son célèbre « Ubu ».
Cet homme là ne peut raisonnablement être réduit à la simple condition de chanteur , le titre d’enchanteur lui va beaucoup mieux.
Et je resterai d’ailleurs là-dessus, sur la parenthèse enchantée que nous ont offert Dick et ses musiciens.
Un moment précieux, comme hors du temps, que Gérard Pont a d’ailleurs tenu à présenter personnellement dans une courte intervention. Charmante attention.
Julien Doré, double dose.
19h. Sur l’album de Julien Doré, l’artwork représente un lion. Justement. C’est comme une lionne que j’ai dû me battre à l’entrée du grand théâtre pour le voir ce soir-là. Moi : « Mais c’est-à-dire que j’ai besoin de rentrer pour faire mon papier, madame ». « Ça va pas être possible, on est complet ». « Oui mais je dois faire mon article moi ». Mini-crise. Yeux de Chat Potté. Regard noir. Rien ne marche. Heureusement, Dieu Gérard Pont, le président des Francos arrive, pour tous nous sauver : « Tous le monde va rentrer ». Oui, oui, c’est ça. Une fesse calée sur une demi-marche d’escalier, collée au mollet d’un très gros monsieur assis sur un très confortable siège du théâtre, je peux enfin profiter des deux concerts de Julien Doré, deux concerts qu’il faut mériter, ma bonne dame. Mais ça valait le coup : pendant la première heure, le Nîmois se glisse d’abord dans la peau d’Etienne Daho et revisite l’album « La Notte, la Notte ». Album mythique (qui fête aussi ses trente ans), difficile à réinterpréter. S’il ne prend pas trop de risques sur la plupart des chansons et trois titres valent le coup d’être absolument relevés : « Poppy Gene Tierney », façon expérimental slash cold wave slash Lescop-renvoyé-aux-vestiaires. « Le Grand Sommeil », d’une sensualité à faire fondre n’importe quel iceberg et « Week-end à Rome » en piano-voix en fermeture de set.
20h. Cette fois, Julien Doré chante ses chansons à lui devant un public chauffé à blanc qui n’a pas besoin de grand-chose pour se mettre d’abord à chanter puis à danser de son propre chef et ce, dès la troisième chanson. Evidemment, c’est avec « Kiss Me Forever » que tout explose. Plus une seule personne n’est assise et le grand théâtre se transforme en salle d’aérobic géante. Avec « Les limites », on s’amuse à faire les chœurs et à reprendre à l’infini le refrain. Sur « Paris-Seychelles », on est complètement en nage et il doit bien faire 56° dans la salle. C’est déjà l’heure de quitter les lieux. Et si on devait retenir une chose de la prestation de Julien Doré ce soir : c’est le sourire qui n’a pas cessé d’illuminer son visage d’un bout à l’autre des deux concerts… Et puis… vu les pas de danse qu’il nous a gratifié, on peut être certain qu’il était frappé par la fièvre du vendredi soir. Ok, ça fait deux trucs. Mais je n’ai jamais été très bonne en maths.
Ben l’oncle soul
Ben l’Oncle Soul semble abonné aux Francofolies de La Rochelle.
Après s’y être produit en tant qu’invité sur la grande scène en 2012, il parrainait les France Ô Folies l’an dernier au même endroit et il y était à nouveau présent pour un concert hier soir.
La sortie de son second album était un vrai défi : Réussir à transformer l’essai (ô combien concluant) de son premier opus.
Etant donné que les concerts ont pour beaucoup contribué à sa renommée, il était légitime de se demander ce que sa nouvelle tournée pouvait bien donner.
Prendra t’il des risques en s’autorisant quelques virages par rapport à sa précédente tournée ? Essaiera t’il de se renouveler ? Les questions fusaient et le live d’hier soir a permis d’y apporter quelques réponses.
Sur scène : Nouveau staff, nouvelles chorés.
Il se produit désormais avec un band tout neuf et c’est toujours redoutablement efficace.
Machine parfaitement huilée, les choeurs et les chorés sont impeccablement rodés, la voix puissante et assurée fait toujours autant d’effet et le public semble toujours prêt à s’enthousiasmer. Sourire aux lèvres non stop, énergie positive généreusement distribuée, on a aimé.
Succès confirmé même si on redoute que le concept risque de tourner en rond sous peu… Un concert de Ben l’Oncle Soul, ça reste pour un très bon moment de live.
Féloche
Pendant le changement de plateau entre Ben l’Oncle Soul et Zaz, c’est Féloche qui prend place à Saint Jean d’Acre.
Habitué des lieux, ancien de la sélection du chantier des Francos, Féloche interprète deux titres imparables accueillis très chaleureusement par le public.
Seul en scène pour le premier morceau, il est rejoint pour le second par une chanteuse, armée d’un éventail, qui est l’atout sensualité de ce set court mais séduisant.
On chante, on danse, on vibre avec eux. On n’en attendait pas mieux.
Elephanz
Les deux frangins d’Elephanz font partie de la sélection annuelle du chantier des Francos. `
Ce dispositif permet aux jeunes artistes de mieux appréhender leur métier et la scène en particulier. Aussi, c’est toujours avec beaucoup d’intérêt que je découvre le fruit du travail des équipes du chantier, surtout lorsque j’avais eu l’occasion d’assister à un concert du groupe en question, avant (le chantier). Pour Elephanz, c’est justement le cas.
Alors que j’avais découvert le duo plutôt réservé il y a quelques mois de ça, je constate avec plaisir que les deux musiciens ont gagné en aisance et que leur electro pop se révèle redoutablement efficace en live. Inutile de le cacher, on préfère lorsqu’ils chantent en anglais.
Le public n’attend d’ailleurs pas leur tubesque « Time for a change » pour se laisser emporter. Savoureux.
Owlle
Au village Francofous, on a été surprises d’apprendre que désormais, les concerts du soir étaient payants. Ça n’a pas empêché Owlle d’attirer une petite foule pour danser au bout de la night. Owlle, c’est France, une bombe incendiaire qu’on voudrait détester parce que 1. Elle est belle 2. Elle a les cheveux d’Ariel, la petite sirène 3. Elle a une voix en or 4. Elle est hyper talentueuse. Mais, en vérité, je l’adore et secrètement je lui voue un mini-culte. Ce soir-là, sur la scène Not Ze Francos, Owlle nous avait prévenue : « on a un set un peu spécial, on a que des morceaux qui font danser ». Aucun. Problème. Du premier au dernier titre, ça envoie du pâté. France et ses boys enchaînent les tubes : de « Disorder » à « Ticky Ticky » en passant par « Don’t Lose it ». En fermeture, elle nous jouera un tout nouveau morceau. « Un titre qui sort de… ben qui sort de chez moi », annonce la belle. Une chanson planante aux intonations quasi-mystique. On est parties loin. Très loin et la vérité, on n’avait pas très envie de revenir.
Jabberwocky
Pour clôturer cette dernière journée, la pluie (finie) s’est invitée pour jouer les trouble-fêtes. Juste ce qu’il faut pour nous rafraîchir un peu pendant le set très musclé de Jabberwocky. N’étant pas assez « high », je crois que je ne suis pas trop rentrée dedans, ceci dit, les gens autour de moi étaient portés par l’électro-rock. Bras levé, petits cris hystériques sur « Photomaton ». Dans le public, deux filles se font une battle de « Tecktonic ». Oui, je n’étais pas assez high !