Faire un report de 10 concerts en une demie journée au Printemps de Bourges semble impossible, mais impossible n’est pas Rod Maurice. Sa force : prendre le cliché de génie en arrivant 20 secondes à la fin du 3e morceau, le tout en t-shirt sous la pluie. C’est parti pour le report du jeudi, (et dedans il y a Throw Me Off The Bridge, nos finalistes sur le Prix cette année).
14 avril 2016. 6h du mat’. Je dois prendre un train de St Malo pour Bourges (premier effet kiss cool). Le dit train passe par Paris, et je dois prendre le métro pour rejoindre Austerlitz (depuis Montparnasse). La correspondance est d’une heure : à l’aise Blaise! (so 1994). SAUF qu’à 10 minutes de Montparnasse, le dit train tombe en panne. Pendant 45 minutes ! Mon corps n’ayant pas fait de sport depuis … j’étais mineur, donc il y a très longtemps, j’ai réussi à prendre le train à 10 secondes près. C’est un peu pour te dire que même pas arrivé à Bourges que j’étais déjà une flaque de sueur suintante comme un phacochère avec une dizaine de kilos de matos sur mes frêles épaules (matos qui va s’avérer inutile, mais on en reparle plus tard) à travers les métros et les gares. J’ai beau être matinal, j’ai mal.
Arrivé à Bourges à 14h30. Il fait super beau. Puis à partir de 15h30, il n’y a plus fait beau du tout jusqu’à la fin (2e effet kiss cool).
Quel est le point commun entre Bourges et moi ? (oui oui, soyons fou dès le départ niveau égo) Et bien, nous sommes tous deux nés en 1976. L’année dite « folle » : la naissance du disco, la dévaluation du franc, les horaires d’hiver et d’été, l’un des étés les plus chauds, l’un des hivers les plus froids … En l’an de grâce 2016, le festival souffle donc ses 40 bougies, et niveau programmation, n’a pas fait semblant. Au programme : qualité et quantité, quitte à faire des choix à contre-coeur car pour ceux qui n’ont jamais foulé le sol de la jolie ville de Bourges, le festival est en fait morcelé dans plein d’endroits différents, et souvent diamétralement opposés.
Et si tu as jadis lu mes chroniques, ne t’attends pas cette fois-ci à des expressions de type Jean-Pierre feu Coffe (t’as compris la blague ? Feu Coffe … Feu … COFFE ? :)) : le seul truc merdique en ce 14 avril était le temps , ultra pourri, qui a d’ailleurs failli avoir raison de ma mission première : écrire un beau papier sur un groupe que l’on suit depuis une paire de mois désormais.
THROW ME OFF THE BRIDGE
En effet, la scène Printemps des Régions s’ouvrait avec l’un des finalistes du Prix Ricard S.A. Live Music (entre toi et moi, mes chouchoux du concours) : Throw Me Off The Bridge. Tout commence avec un matos qui part en fumée – littéralement – pendant les balances. Visiblement, un problème de phase et de surtension. Tous les fusibles des amplis sont HS. Toutefois, on n’arrête pas les Lavalois pour si peu, et ces derniers sont prêts à jouer en acoustique à même le public, sous la pluie désormais plus qu’installée. Mais Gandalf le Gris est passé entre temps, et comme par magie – et surtout grâce à du matos dispo en backline – le set peut enfin débuter. Et les sensations ressenties lors du tournage de la session sont restées intactes : une folk un poil alambiquée de toute beauté, agrémentée d’arpèges chiadées et de rythmiques basse / batterie empruntées à d’autres courants musicaux plus violents, la magie opère. On ne remerciera jamais assez les curieux d’avoir bravé l’apocalypse, car il fallait être drôlement motivé.
24-105.
Il ne s’agit pas d’un code secret te permettant d’accéder au compte bancaire de Bolloré. Mais le seul objectif que j’ai utilisé durant toute la couverture des concerts à venir. Je t’explique. Niveau sécurité à Bourges, c’était un peu fastidieux – bien qu’appréciable, jusqu’à avoir 2 fouilles avant de rentrer dans une salle ! – et avec un sac photo, ouvrir et montrer systématiquement le contenu du dit sac alors que le timing impose presque un rythme marathonien, ce n’était pas trop compatible. Du coup le parti pris de tout ranger et de ne prendre que mon boitier + cet objectif m’a permis de gagner énormément de temps. Alors les clichés sont certes moins variés, mais bon, who cares ?!
VALD
Si tu as plus de 25 ans, il est fort probable que tu n’aies jamais entendu parler de Vald. En revanche, les kids le connaissent, et la scène W (la plus grande d’entre toutes) est littéralement en ébullition. Les paroles sont assez violento-virulentes (on me dit dans l’oreillette qu’il y aurait un 1000e degré caché derrière les phrases acérées …).Trop vieux sans doute pour apprécier à sa juste valeur le spectacle ahurissant où des milliers de mains sont pointées vers les cieux, où des milliers de bouches hurlent en chœur et à l’unisson la moindre syllabe … force est de constater que Vald est une machine de guerre bien huilée, bien rodée, dont bon nombre de groupes de rock feraient bien de s’inspirer.
RADIO ELVIS
Direction le magnifique Théâtre Jacques Coeur, où Radio Elvis – gagnant Inouïs l’an passé – fait l’ouverture du concert de Dionysos. A l’instar de Feu! Chatterton (comparaison de toute évidence inéluctable), on retrouve une recette qui a trouvé écho ces derniers mois : des voix maniérées, des textes bashungiens, une présence scénique sauvage, et une classe folle. Le public très « Telerama » – no offense en a pour son argent : le show – un poil trop parfait – est digne des plus grands. Le trio ne doit pas son succès au hasard : belles gueules + beaux riffs + belle voix + beaux textes + superbe cadre = combo gagnant. On n’ose imaginer ce qu’a pu faire un Mathias Malzieu dans une telle aire de jeu.
BIGFLO & OLI
Retour au top du hip hop du moment, avec les frangins Bigflo & Oli. On avait déjà surkiffé leur concert Place Denfert-Rochereau à la Fête de la Musique, mais les gamins sont devenus de jeunes hommes, avec des dizaines de concerts sold out dans les pattes, et il faut appeler un chat un chat : les maîtres du game, en ce moment, ce sont eux. Tout est parfait, fou, incroyable. L’énergie survitaminée distillée le long du set, les textes incroyables pour des gosses de 20 ans, l’emprise extraordinaire sur le public qui obéit aux moindres faits et gestes, tels des Dieux vénérés. La scénographie, le show light, l’incroyable violoncelliste jumper qui aurait davantage sa place dans Apocalyptica mais qui a réussi à donner une touche résolument rock à ce hip hop nerveux et énervé. Bigflo & Oli, du rap intelligent, loin des clichés, vendant des dizaines de milliers d’albums, faisant sold out partout en France. Au W, on s’est un peu tous pris une grosse claque dans la tronche. Même si, je l’avoue, j’aurais aimé revoir le sublime Patrick Watson. Mais je te l’ai dit : toute la force du Printemps de Bourges est également sa faiblesse. Une programmation riche et variée, mais qui doit réussir à rentrer dans une demi journée :(
OISEAUX-TEMPÊTE
Au revoir hip-hop, et bienvenue post rock. Oiseaux-Tempête, vestige du magnifique projet Farewell Poetry, se produisait au Nadir, une salle ASSEZ LOIN du cœur du festival. Ainsi nous parcourûmes quelques kilomètres sous la pluie (youpi) afin d’arriver dans une sorte de lieu « squat » mais pas squat (ceux qui connaissent comprendront très bien ce que je veux dire). Le set est déjà entamé à notre arrivée, mais comme chaque titre fait 3 à 4 fois un titre radio, on peut prendre le concert en plein vol (oiseaux) et là, c’est une grosse claque de décibels maîtrisés qu’on se prend en plein bulbe (tempête). Toute la force du trio (agrémenté de guests) réside dans des compositions sans faille, hypnotiques à souhait, et à une aura incroyablement magnétique. Il faut être un peu curieux ou habitué au genre pour adhérer. Quoiqu’il en soit, le public en a eu pour son argent, quitte à chambouler la programmation (lire le prochain paragraphe).
IT IT ANITA
Même si on était resté pour voir JC Satan, ce sera finalement It It Anita qui succédera au trio post rock et il s’agit tout simplement du coup de coeur de cette journée marathon. Balances en 3 minutes – il faut dire qu’Oiseaux-Tempête, dans ses envolées post rock, a légèrement dépassé son créneau de plus de 20 minutes, Volume 11 de Spinal Tap dès le premier accord, et prends ton mur du son sans concession dans ta face. Ne cherche pas la moindre once de délicatesse : ce groupe a été fait pour te détruire les tympans à vie, et c’est tout simplement jouissif. Dans une période où les groupes sont plus surproduits sur scène laissant peu de place à l’improvisation (et vas y que je te mets des clics, et des séquences, et des chœurs pré enregistrés … en gros, un karaoké sur un CD), ce genre de bourrins scéniques à l’efficacité ravageuse est une bouffée d’air frais. Acouphènes garantis. Ça a envoyé du steak sévère sa maman.
Bon et toi, du coup, t’as aimé quoi en ce 14 avril ?