Pendant longtemps, la scène française était tirée par ses fers de lance, des groupes à très forte personnalité qui cherchaient à imposer au monde un modèle français (Daft Punk, Air, Phoenix) et de manière plus schématique la french touch. Néanmoins 2008 voit la donne changer à travers l’exemple de 5 groupes qui n’aspirent pas forcément à inventer quelque chose mais qui cherchent plus à attaquer leurs collègues étrangers sur leur propre terrain.
Il s’agit bien sûr d’une sélection personnelle mais je crois que la qualité de ces albums sont la preuve indéniable de la vitalité de notre scène actuelle. D’autant plus qu’il ne s’agit pas du cas isolé d’un mouvement (comme l’electro jazz au début du siècle) qui serait en pleine ébullition, mais vraiment d’un truc général, chacun de ces groupes évoluant dans des styles radicalement différents.
PONI HOAX / Post-punk, Electro-pop
Avec « Images Of Sigrid », les parisiens ont sorti L’album post punk de l’année, un truc incroyablement frais qui mélange les riffs typiques du style, des boucles electro excitantes et la voix haut perchée du chanteur Nicolas Ker. Si le groupe est plus qu’approximatif sur scène où il a du mal à reproduire la complexité de ses compositions, il excelle sur album avec des singles qui feraient pâlir Cure. Les titres vieillissent bien ; les frontières sont maîtrisées.
PSYKICK LYRIKAH / Post Hip Hop
Pendant que certains en sont encore à brailler leurs insultes et leurs rengaines sociales dans le micro, Psykick Lyricah attaque là où ça fait mal en mélangeant poésie et politique, phrasé hip hop et ambiances cinématographiques. Le groupe composé notamment du MC Arm et de Robert Le Magnifique déterre les principes du vieux hip hop pour mieux le reconstruire et le faire évoluer. Avec ses intrus magnifiques, ses riffs de guitares tantôt acérés tantôt post-rock et ses featurings de qualité (« Un point dans la foule » avec Dominique A), « Vu d’idi » leur dernier album est un modèle de songwriting hip hop.
DEPTH AFFECT / Electro déstructuré
Originaire de Nantes, ce Quatuor aurait tout pour être signé chez Warp. Leur dernier opus « Hero Crisis » met une pile aux dernières productions de Prefuse 73. Complètement déconstruites, les boucles se superposent, s’enchaînent, se séparent pour mieux se retrouver, pour finalement partir vers les cieux et envoûter parfois comme du Boards Of Canada. Le groupe est encore jeune mais peut aller très loin.
JORDAN / Rock Indé
Jordan, très jeune groupe qui vient d’enregistrer son premier album « Oh No We Are Dominos » à San Francisco, est définitivement l’un de mes coups de coeur du moment. A la fois rageux comme du At The Drive In et dansant comme du Hot Chip, Jordan pourrait devenir Le groupe français de rock couillu. Si on lui rajoute l’intransigeance envers soi même, on tiendrait presque nos Fugazi. Un groupe que j’espère voir sur scène très prochainement.
GOJIRA / Metal
« The Way of all Flesh » le nouveau Gojira ne sort que le 13 octobre mais on peut déjà inclure les landais dans cette sélection. Avec leurs blasts soniques, leurs influences multiples (Tool, Pantera, Meshuggah, le Death…) et surtout leur capacité à ne jamais caricaturer le style, à toujours rester sérieux dans la violence comme dans l’émotion, Gojira est en train de devenir une référence mondiale. C’est simple à part les groupes précités et peut être les hollandais de Texture, je ne vois juste pas qui peut les concurrencer.
Voilà 5 groupes dont on peut être fier et qui méritent de réussir à l’étranger. Ils ont en commun le fait de s’être débarrassés du complexe français et d’avoir misé sur une prod de qualité, sur un son dénué de tous nos clichés de langues.