Alors que l’un de mes albums phares de l’année s’apprête déjà à être une compilation d’EPs (l’incroyable box 1991-2002 d’Autechre), Gold Panda réapparait furtivement et au moment où on l’attend le moins avec un album en forme de réunification de ses trois premiers essais. Si l’on a souvent répété combien le format maxi se prête parfaitement à la musique électronique, il faut bien avouer que j’y ai pour ma part toujours vu une échappatoire, une fuite en avant face à l’impressionnant chantier de l’album, face à la peur de ne pas être capable de maintenir la pression tout au long de douze titres, de ne pas être en mesure de gérer les sinusoïdales, de ne pas savoir prendre sa respiration et d’échouer à rythmer le disque comme on rythmerait une soirée. Et puis surtout j’aime trop les albums en tant qu’œuvre pour accepter qu’on puisse s’en défausser en y substituant une série de brillants à coup ! On ne gagne pas une bataille par une succession de rush, il y a toujours un moment où il faut faire avancer toutes ses troupes.
« Companion » compile donc dans l’ordre le deux titres « Quitter’s Rag », l’inédit « Like Totally », l’EP « Miyamae », l’EP « Before », et la single-track « Police ». Mais là où on ne pourrait voir au premier abord que collages incertains, associations de malfaiteurs à des fins commerciales et autres réunions se plaçant dans le sillon des étrennes de début d’année, « Companion » s’impose comme une œuvre cohérente, intelligible qui non seulement fonctionne de pair avec « Lucky Shiner » le premier album de Gold Panda mais qui surtout le surpasse. Les similitudes sont nombreuses et les deux disques fonctionnent sur le même tempo. Ici la cythare et les voix de « Quitter’s Raga » jouent le même rôle que les sonorités chillwave de « You » prouvant par la même que les écarts hors des sentiers électroniques de « Lucky Shiner » n’avaient rien d’opportunistes et découlaient d’une sensibilité largement murie.
Les EPs ne sont alors plus des graines dispersées au hasard du vent mais bien les parties d’un jardin qui avait besoin de temps pour sortir du sol ; tout n’était qu’étapes concourant à un grand tout. Entre les ambiances aérées et un peu abstrackt de « Fifth Ave », la house électronica affilié à Four Tet (« Back Home ») ou encore les guitares folk de « Lonely Owl », l’univers de l’anglo-japonais se dévoile encore plus férocement via un équilibre où chaque partie a été délestée de toutes notions de remplissage.
A chaque mouvement, on ressent combien « Companion » était une étape importante pour Gold Panda : c’est le disque qui lui permet de se reconstruire, de ramasser les miettes et de mettre au clair sa discographie. Il y a surement derrière tout ça un certain besoin de contrôle, une envie de ne pas s’éparpiller, de réunir en des points centraux toute la matière mais on voit bien que des prémices comme « Mayuri » n’étaient pas des portes d’entrée ou des moyens de faires ses preuves mais bien déjà le cœur du sujet.
La pochette du disque, réalisée par Andy Gilmore, prolonge le mouvement des illustrations sphériques de 2010 où l’inconscient collectif avait fait du cercle son emblème (en vrac Flying Lotus, Caribou, Gonjasufi, Owen Pallett mais aussi donc Four Tet et Autechre ; liste intégrale ici) et inscrit bien « Companion » comme une œuvre finalisée l’an passé destinée à borner le monde de Gold Panda pour mieux nous assurer qu’il ne s’éparpillera pas et qu’il a une vue très précise de ce qu’il cherche à mettre en place.